Rédigé par Andreas Kausch
Le 31 décembre 2024, l’entreprise américaine Apple a accepté un règlement d’un montant de 95 millions de dollars dans le cadre d’une action collective intentée aux États-Unis[1]. Cette action alléguait que la société utilisait ses appareils pour collecter et vendre les données personnelles de ses utilisateurs à leur insu.
Peu de temps après, une action collective similaire a été déposée devant la Cour supérieure du Québec[2]. Dans les prochaines lignes, nous allons résumer les faits allégués, le cadre législatif relatif à la protection des renseignements personnels au Québec, les conditions à remplir pour autoriser une action collective ainsi que les réclamations formulées par les utilisateurs québécois.
Les faits allégués
Siri, l’assistant vocal développé par Apple, se retrouve installé sur de nombreux appareils de la marque depuis 2011[3]. En effet, Apple annonçait en 2018 que Siri était installé sur plus de 500 millions d’appareils[4]. L’assistant permet de répondre aux questions des utilisateurs, qui peuvent l’activer en disant « Hey Siri », en appuyant sur un bouton spécifique ou, dans le cas des montres intelligentes, en levant la main pour rapprocher l’appareil de leur visage[5]. Ensuite, Siri va sauvegarder les paroles des utilisateurs sous forme d’enregistrement audio qui sera ensuite transmis à Apple pour analyse[6].
Cependant, il est allégué que Siri enregistre des sons même lorsque l’utilisateur ne l’a activé par aucun de ces moyens[7]. Ces enregistrements seraient utilisés par la suite par l’entreprise américaine pour améliorer les performances de l’assistant vocal, mais ils seraient également partagés avec des sous-traitants tiers sans le consentement des utilisateurs[8].
Or, l’iOS est le deuxième système d’exploitation le plus utilisé au Canada après Windows[9]. Cela signifie que de nombreux Québécois pourraient être touchés par les pratiques alléguées d’Apple.
Ce comportement serait en totale contradiction avec l’image qu’Apple tente de projeter, l’entreprise mettant en avant la protection des données personnelles comme un point central de son marketing[10]. De plus, la désactivation complète de Siri ou sa désinstallation est impossible[11].
Le cadre juridique applicable au Québec
Cette pratique contrevient à plusieurs dispositions législatives québécoises en matière de protection des renseignements personnels[12], notamment :
- L’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée »
- Les articles 3, 35 et 36 du Code civil du Québec :
« Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l’inviolabilité et à l’intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.
Ces droits sont incessibles. »
« Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.
Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l’autorise. »
« Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d’une personne les actes suivants:
1° Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit;
2° Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée;
3° Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu’elle se trouve dans des lieux privés;
4° Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;
5° Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l’information légitime du public;
6° Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels. »
- Et plusieurs dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
Les réclamations des utilisateurs
Le demandeur affirme qu’il n’était pas au courant de ces pratiques, car Apple les aurait volontairement cachées[13] et il demande des dommages compensatoires, moraux et punitifs ainsi que l’autorisation de l’action collective[14].
Les conditions d’autorisation de l’action collective
L’article 575 du Code de procédure civile énumère les conditions qui doivent être remplies pour qu’un tribunal autorise une action collective :
« Le tribunal autorise l’exercice de l’action collective et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que:
1° les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;
2° les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
3° la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance;
4° le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres. »
Dans sa demande, la plaignante affirme répondre au premier et au troisième critère, mais ne se prononce pas sur les deux autres[15].
Le dénouement
Il reste à voir comment le tribunal québécois tranchera cette affaire. Est-ce qu’il va suivre l’exemple du tribunal américain ou va-t-il adopter une position différente ? Nous continuerons de suivre de près l’évolution de ce dossier.
Avertissement
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[1] https://www.classaction.org/media/lopez-et-al-v-apple-inc-settlement-agreement.pdf
[2] https://www.registredesactionscollectives.quebec/fr/Fichier/Document?NomFichier=14434.pdf
[3] par. 12.
[4] par. 13.
[5] par. 21.
[6] par. 10.
[7] par. 25.
[8] par. 16.
[9] https://gs.statcounter.com/os-market-share/all/canada
[10] https://www.apple.com/ca/privacy/
[11] par. 5.
[12] par. 19.
[13] par. 44.
[14] par. 65.
[15] par. 52 et 61.