Marketing d’influence: Une responsabilité large et des sanctions sévères – Partie 3

 

Rédigé par Alice Soldatenkov

Les exigences découlant de la Loi sur la protection du consommateur (la « L.p.c. »), du Code canadien des normes de la publicité et de la Loi sur la concurrence ne s’appliquent pas uniquement aux influenceurs. Quelqu’un qui ne se définit pas comme un influenceur peut avoir à respecter ces obligations, dont l’obligation de divulguer le lien important avec la marque. De plus, l’entreprise ou l’agence faisant affaire avec un influenceur peut, dans certains cas, engager sa propre responsabilité. Des sanctions sévères peuvent résulter des manquements à ces obligations. Les sections suivantes examinent les personnes qui doivent se soumettre aux exigences découlant des lois énumérées, les personnes qui peuvent être tenues responsables et les sanctions qui peuvent résulter des manquements à ces exigences.

1) Le divulgateur

Les exigences du Code canadien des normes de la publicité[1], soit l’obligation du contenu authentique et véridique et l’obligation de divulgation, ne s’appliquent pas seulement aux influenceurs. Les employés faisant la promotion de la marque, des produits ou des services de leur employeur pourraient également avoir à divulguer leur lien avec ce dernier, car il s’agit d’un lien important qui peut influencer leurs déclarations. Il en est de même si le service, la marque ou le produit provient d’un membre de la famille: le lien de parenté doit être indiqué. 

Il faut donc toujours prêter attention à ce que constitue un lien important, l’influenceur pouvant porter simultanément plusieurs chapeaux. Même lors des recommandations par un ami, il peut y avoir une obligation de divulgation si, par exemple, un avantage est obtenu en échange de la recommandation.

2) Qui est responsable?

A priori, la responsabilité pour les manquements aux dispositions sur les pratiques commerciales trompeuses de la Loi sur la concurrence incombe à l’auteur de l’information trompeuse[2]. En effet, c’est la personne qui commet une violation qui en sera tenue responsable[3]

D’autres personnes peuvent cependant être aussi tenues conjointement responsables si elles ont collaboré à la publicité illégale, tant de façon civile que pénale[4]. Outre l’influenceur en question, l’agence publicitaire l’ayant recruté et ayant supervisé son travail pourrait donc l’être. Ceux qui contrôlent ou sont à la source du contenu de la publicité, les “annonceurs”, assument donc la responsabilité qui y est associée[5]. 

Dans certains cas, les entreprises faisant affaire avec des influenceurs pourraient être tenues responsables du contenu faux ou trompeur[6]. Il ne faut pas oublier que la Loi sur la concurrence s’applique tant aux influenceurs qu’aux entreprises qui les embauchent[7]

Dans un premier temps, dans le cas d’une enquête du Bureau de la concurrence, il est possible que les entreprises soient tenues responsables des déclarations des influenceurs[8]  si, à titre d’exemple, elles ont un certain contrôle sur le contenu du message diffusé. 

De plus, elles pourraient également être tenues responsables si elles fournissent aux influenceurs des fausses informations que les influenceurs utilisent dans leurs déclarations, à l’instar de l’exemple donné par le Bureau de la concurrence que si « un détaillant prend les informations fausses fournies par un fabricant et les utilise pour créer sa propre publicité, il sera alors responsable. »[9]

Il est donc important pour les marques et les agences de marketing de connaître leurs obligations concernant la publicité et les pratiques commerciales trompeuses et le fait qu’elles pourraient être tenues responsables des violations[10]. 

Le Bureau de la concurrence a d’ailleurs envoyé, en décembre 2019, « des lettres à près d’une centaine de marques et d’agences de marketing actives dans le domaine du marketing d’influence au Canada pour les aviser d’examiner leurs pratiques commerciales et de s’assurer qu’elles respectent la [Loi sur la concurrence] »[11].

3) Les sanctions

Le NCP (Normes canadiennes de la publicité) est un organisme d’autoréglementation. Il ne peut donc pas imposer d’amendes ou de pénalités, mais reçoit les plaintes des consommateurs. Dans les cas où une entreprise en contravention refuse de collaborer avec lui, NCP transfère la plainte au Bureau de la Concurrence[12].

Le Bureau de la concurrence est un organisme indépendant qui s’assure de l’application de la Loi sur la concurrence et dispose d’un pouvoir d’enquête. Les sanctions applicables dans le cas d’indications fausses ou trompeuses données sur un point important à l’égard d’un produit peuvent être criminelles et civiles.

En effet, selon le régime criminel, les tribunaux de compétence criminelle peuvent être saisis en cas d’infraction et les personnes reconnues coupables sont passibles d’une amende maximale de 200 000 $, d’un emprisonnement maximal d’un an (de quatorze ans si la personne est reconnue coupable par mise en accusation plutôt que par procédure sommaire), ou des deux[13].

De plus, selon le régime civil, le Tribunal de la concurrence, à la Cour fédérale ou à la cour supérieure d’une province, peut être saisi et ordonner de payer des sanctions administratives. À la date de ce billet de blogue, pour une personne physique, le montant maximal de la sanction correspond à 750 000 $ pour la première ordonnance et à 1 000 000 $ pour toute ordonnance subséquente[14]. Pour une personne morale, il correspond à 10 000 000 $ pour la première ordonnance et à 15 000 000 $ pour toute ordonnance subséquente [15].

De plus, au Québec, il y a également l’Office de la protection du consommateur qui est un organisme public et s’occupe de l’application et de la surveillance de la Loi sur la protection du consommateur. Il possède un pouvoir d’enquête étendu et peut imposer des sanctions. En date de ce billet de blogue, le montant maximal de l’amende pour une personne physique est de 6 000 $, tandis que pour une personne morale, il est de 40 000 $[16].

Avertissement 

Cet article n’est pas rédigé par un juriste. L’information qui est présentée dans cet article sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme telle.

L’information contenue dans cet article est « telles quelles » sans aucune garantie d’exhaustivité, d’exactitude, d’utilité ou d’actualité et sans aucune garantie de quelque nature que ce soit, expressément ou implicite. Si vous avez des questions légales à propos du télétravail, consultez un avocat.

Sources

[1] Art. 7, Code.

[2] Bureau de la concurrence, “Indications fausses ou trompeuses”, 19 juin 2024, en ligne: https://bureau-concurrence.canada.ca/pratiques-commerciales-trompeuses/types-pratiques-commerciales-trompeuses/indications-fausses-trompeuses#

[3] Charlaine BOUCHARD, Marc LACOURSIÈRE et Julie MC CANN, “La cyberpublicité : son visage, ses couleurs : qu’en est-il de la protection des consommateurs ?”, (2005) 107-2 Revue du notariat 303, p.337, en ligne: <https://canlii.ca/t/8w7z5>.

[4] Id., p. 338.

[5] Id.

[6] Bureau de la concurrence, “Marketing d’influence : les entreprises et les influenceurs doivent être transparents dans leurs publicités sur les médias sociaux”, 19 décembre 2019, en ligne: https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2019/12/marketing-dinfluence–les-entreprises-et-les-influenceurs-doivent-etre-transparents-dans-leurs-publicites-sur-les-medias-sociaux.html

[7] Bureau de la concurrence,Le marketing d’influence”, Recueil des pratiques commerciales trompeuses — Volume 4, 20 janvier 2022, en ligne: https://bureau-concurrence.canada.ca/recueil-pratiques-commerciales-trompeuses-volume-4#sec01

[8] Gowling WLG, “La base du droit des influenceurs : étiquettes et divulgations – Gowlessence : incursion dans les coulisses (juridiques) de l’industrie du marketing d’influence”, dans Publicité, marketing et affaires réglementaires, Gowling WLG, mars 2019, en ligne: https://edoctrine.caij.qc.ca/publications-cabinets/gowlings/2019/a90328/fr/pc-a117645

[9] Bureau de la concurrence, “Indications fausses ou trompeuses”, 19 juin 2024, en ligne: https://bureau-concurrence.canada.ca/pratiques-commerciales-trompeuses/types-pratiques-commerciales-trompeuses/indications-fausses-trompeuses#

[10] Blakes, “À quoi s’attendre en 2020 et comment rester en haut de la vague”, dans Articles, Blakes, février 2020, en ligne: https://edoctrine.caij.qc.ca/publications-cabinets/blakes/2020/a121788/fr/i0aad3a65-83c3-409f-af98-e899601ef6b9

[11] Bureau de la concurrence, “Marketing d’influence : les entreprises et les influenceurs doivent être transparents dans leurs publicités sur les médias sociaux”, 19 décembre 2019, en ligne: https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2019/12/marketing-dinfluence–les-entreprises-et-les-influenceurs-doivent-etre-transparents-dans-leurs-publicites-sur-les-medias-sociaux.html

[12] Luc THIBAUDEAU, “Les influenceurs doivent dévoiler l’identité de ceux qui les influencent!”, 18 juin 2018, en ligne: https://www.lavery.ca/fr/publications/nos-publications/3091-les-influenceurs-doivent-devoiler-lidentite-de-ceux-qui-les-influencent-.html

[13] Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, art. 52 (5).

[14] Id., art. 74.1 (1) c) i).

[15] Id., art. 74.1 (1) c) ii).

[16] Art. 279 L.p.c.

 

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