
Rédigé par Alice Soldatenkov
Avec la montée de la pertinence des réseaux sociaux, la consommation d’information, et plus particulièrement celle de la publicité, s’est transformée. Le recours aux « influenceurs », soit ces personnalités en ligne qui partagent du contenu à travers des plateformes technologiques comme les médias sociaux ou les blogues à l’intention d’un public qu’ils influencent par leur contenu[1], est maintenant de plus en plus courant et est devenu presque inévitable.
Grâce au lien de confiance que les influenceurs réussissent à établir avec leur public dans leur créneau respectif, les consommateurs sont souvent très réceptifs à leur opinion. En effet, comme l’indique le consultant en marketing numérique Raymond Morin, « les consommateurs se fient davantage aux recommandations de leurs proches pour adopter une marque, d’où la portée du marketing d’influence sur les réseaux sociaux »[2].
Le marketing d’influence auquel monsieur Morin fait allusion correspond à la pratique publicitaire qui consiste à utiliser les influenceurs pour que ceux-ci fassent la promotion de certains produits, services ou marques à leur public cible. Les influenceurs reçoivent généralement une rémunération ou un avantage en échange de leur opinion publique sur un produit, un service ou une marque spécifique[3].
Les associations d’Alicia Moffet, Lysandre Nadeau et Alexandra Larouche, qui sont des personnalités d’influence, avec des marques comme L’Oréal, Tourisme Laurentides ou McDonald’s sont des exemples de cette stratégie publicitaire[4].
Les sections suivantes examinent deux exigences essentielles à respecter dans le marketing d’influence, soit l’obligation pour le message publicitaire de reposer sur de l’information authentique, d’être basé sur des opinions véritables et d’être formulé clairement et l’obligation de divulgation du lien important entre l’influenceur et la marque. Il est à noter qu’il peut exister des obligations additionnelles auxquelles les influenceurs devraient avoir à se conformer, notamment en matière de protection de renseignements personnels des consommateurs et en matière de normes de publicité générales.
Le contenu du message: information authentique, opinion véritable et formulation claire
Les influenceurs doivent s’assurer de fournir des données authentiques, reflétant leur opinion véritable et de façon à ne pas créer d’ambiguïté. Si une déclaration aurait été considérée fausse ou trompeuse si publiée directement par un commerçant, elle va également l’être pour un influenceur qui la publie.
Tout d’abord les déclarations des influenceurs concernant les produits doivent être véridiques et authentiques. Les déclarations faites par les personnes effectuant la promotion ne doivent donc pas être ambiguës et doivent être claires, lisibles et compréhensibles. En vertu de la Loi sur la protection du consommateur, il est interdit de passer sous silence un fait important[5], de déformer le sens de l’information[6], de s’appuyer sur de la fausse information[7] ou de s’attribuer un statut qui n’est pas véridique[8].
Le Code canadien des normes de la publicité[9] prévoit également que les « témoignages, appuis ou autres représentations d’opinion ou de préférence » faites par quelqu’un « doivent refléter l’opinion véritable et raisonnablement actuelle » de cette personne, « doivent reposer sur de l’information adéquate ou sur une expérience appropriée avec le produit ou le service identifié » et ne « doivent pas être autrement trompeurs »[10]. Le Code stipule aussi que « la publicité ne peut être présentée dans un format ou dans un style qui dissimule le fait qu’il s’agit d’une publicité »[11].
De plus, la Loi sur la concurrence s’applique à toute personne qui fait la promotion d’un produit, d’un service ou d’intérêts commerciaux, ce qui inclut les influenceurs[12]. Les dispositions sur les pratiques commerciales trompeuses énoncées dans cette loi s’appliquent donc tant aux commerçants qui fournissent ce produit ou service qu’aux influenceurs qui publient des opinions dessus[13].
Cette loi interdit des indications fausses ou trompeuses sur un point important dans la promotion d’un produit ou d’un intérêt commercial au public[14]. Le test de l’impression générale est utilisé pour déterminer si les indications sont fausses ou trompeuses sur un point important, ce qui veut dire que c’est l’impression générale d’une annonce qui est considérée en plus du sens littéral des mots qui y sont utilisés[15]. Par exemple, des avertissements contenus servant à la clarification dans une annonce qui sont formulés de manière à créer de la confusion, qui sont difficiles à distinguer ou qui sont présentés de façon difficilement compréhensible créeraient une impression générale trompeuse et iraient à l’encontre de la loi[16].
Bref, les influenceurs ont l’obligation de fournir de l’information authentique, reposant sur leur opinion véritable, de façon claire et non ambiguë lorsqu’ils font la promotion de produits, de services ou de marques en ligne.
Obligation de divulgation du lien important
Les sources légales
En plus de devoir fournir un message authentique et clair reflétant ses véritables opinions sur un produit ou un service, un influenceur doit également s’assurer de toujours révéler un lien important qu’il a avec l’entreprise lui ayant fourni ce produit ou service.
En effet, omettre d’indiquer le lien qu’a une personne faisant la promotion d’un produit ou d’un service avec l’entreprise ou la marque de ce produit ou service consisterait aussi « à passer sous silence un fait important », ce qui est interdit par l’article 228 L.p.c.[17] Un influenceur doit donc toujours s’assurer de divulguer tout lien important qui existe entre lui et la marque.
Cette divulgation est également requise en vertu du Code canadien des normes de publicité, plus particulièrement en vertu de la Ligne directrice d’interprétation no 5. Ces Lignes directrices d’interprétation qui ont été publiées en octobre 2016 par NCP (les normes canadiennes de la publicité) servent compléter les 14 articles du Code[18] et le Conseil des normes en tient compte lorsqu’il examine des plaintes concernant le marketing d’influence[19].
La Loi sur la concurrence, « dont les dispositions sur les pratiques commerciales trompeuses insinuent qu’en omettant d’indiquer clairement que le contenu publié en ligne est une publicité, les consommateurs sont induits en erreur », n’est pas en manque et impose également « une obligation pour la personne faisant la promotion d’un produit ou service de déclarer tout lien important qu’elle a avec une entreprise de ce produit ou service »[20].
Le lien important
Un « lien important » est défini dans le Code canadien des normes de la publicité comme étant « toute relation existant entre une entité qui offre un produit ou un service et un cautionnaire, un critique, un influenceur ou une personne qui fait une déclaration susceptible d’influer sur le poids ou sur la crédibilité de la représentation ».
Il inclut les avantages et les incitatifs, tant monétaires que sous une autre forme de rétribution (par exemple des coupons-rabais sur un achat subséquent), mais aussi la donation des produits, qu’ils eut été offerts avec ou sans conditions inhérentes. Il peut notamment correspondre à des rabais, des cadeaux ou des inscriptions à des concours. Bref, tout produit fourni à une personne en raison d’un rapport professionnel correspond à un lien important[21].
Le site officiel du Gouvernement du Canada indique que les liens peuvent être « importants » selon la Loi sur la concurrence si ceux-ci « ont le potentiel d’influencer la façon dont les consommateurs évaluent [l’]indépendance [des influenceurs] par rapport à une marque ». Quelques exemples de ce à quoi ces liens importants pourraient correspondre sont également donnés: un paiement en argent ou à commission, des produits ou des services gratuits, des rabais, des voyages ou des billets d’événement gratuits, ou encore des liens personnels ou familiaux[22].
Bref, malgré ce qu’on aurait tendance à penser, il ne doit pas nécessairement exister une quelconque compensation monétaire pour qu’il y ait un lien important entre un influenceur et la personne qui lui fournit les produits ou services dont il fait la promotion. Un influenceur qui émet une opinion en ligne sur un produit qu’il a reçu en cadeau en raison de son influence devrait donc divulguer le lien avec le commerçant qui lui a envoyé le cadeau. En effet, une divulgation est de mise puisqu’avoir reçu le produit en cadeau peut avoir influencé l’opinion de l’influenceur et avoir affecté sa crédibilité.
Avertissement
Cet article n’est pas rédigé par un juriste. L’information qui est présentée dans cet article sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme telle.
L’information contenue dans cet article est « telles quelles » sans aucune garantie d’exhaustivité, d’exactitude, d’utilité ou d’actualité et sans aucune garantie de quelque nature que ce soit, expressément ou implicite. Si vous avez des questions légales à propos du télétravail, consultez un avocat.
Sources
[1] https://bureau-concurrence.canada.ca/recueil-pratiques-commerciales-trompeuses-volume-4#sec01
[2] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1032283/influenceurs-reseaux-sociaux-publicite-declaration
[3] https://bureau-concurrence.canada.ca/recueil-pratiques-commerciales-trompeuses-volume-4#sec01
[4] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1032283/influenceurs-reseaux-sociaux-publicite-declaration
[5] Art. 228 L.p.c.
[6] Art. 239 a) L.p.c.
[7] Art. 239 b) L.p.c.
[8] Art. 238 L.p.c.
[9] Code canadien des normes de la publicité. En ligne: https://adstandards.ca/fr/code-canadien/code-en-ligne/ . Ci-après « Code ».
[10] Art. 7, Code.
[11] Art. 2, Code.
[12] “Le marketing d’influence et la Loi sur la concurrence”, 20 janvier 2022. En ligne: https://bureau-concurrence.canada.ca/pratiques-commerciales-trompeuses/types-pratiques-commerciales-trompeuses/marketing-dinfluence-loi-concurrence
[13] Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c. C-34, art. 74.01 et suiv.
[14] Id.,art. 52 et 74.01
[15] Id., art. 52(4) et 74.03(5).
[16] “Les avertissements démystifiés”, Recueil des pratiques commerciales trompeuses — Volume 1, 22 juillet 2024. En ligne: https://bureau-concurrence.canada.ca/recueil-pratiques-commerciales-trompeuses-volume-1#s2_0
[17] Luc THIBAUDEAU, “Les influenceurs doivent dévoiler l’identité de ceux qui les influencent!”, 18 juin 2018, en ligne: https://www.lavery.ca/fr/publications/nos-publications/3091-les-influenceurs-doivent-devoiler-lidentite-de-ceux-qui-les-influencent-.html
[18] Normes de la publicité, “Le Code canadien des normes de la publicité”, Juillet 2019, en ligne: https://adstandards.ca/fr/code-canadien/code-en-ligne/#:~:text=Les%20publicit%C3%A9s%20ne%20doivent%20pas,des%20pratiques%20ou%20%C3%A0%20des
[19] Normes de la publicité, Ligne directrice no 5 – Témoignages, appuis et critiques, octobre 2016, disponible en ligne : http://www.adstandards.com/fr/Standards/interpretationGuideline5.aspx.
[20] Bureau de la concurrence, “Le marketing d’influence et la Loi sur la concurrence”, 20 janvier 2022. En ligne: https://bureau-concurrence.canada.ca/pratiques-commerciales-trompeuses/types-pratiques-commerciales-trompeuses/marketing-dinfluence-loi-concurrence
[21] Normes de la publicité, “Le Code canadien des normes de la publicité”, Juillet 2019, en ligne: https://adstandards.ca/fr/code-canadien/code-en-ligne/#:~:text=Les%20publicit%C3%A9s%20ne%20doivent%20pas,des%20pratiques%20ou%20%C3%A0%20des
[22] “Le marketing d’influence et la Loi sur la concurrence”, 20 janvier 2022. En ligne: https://bureau-concurrence.canada.ca/pratiques-commerciales-trompeuses/types-pratiques-commerciales-trompeuses/marketing-dinfluence-loi-concurrence